A propos de patriarcat.

[MariePop's]

Je rencontre Richard. Il me demande de l'argent. Je suis agacée j'ai pas beaucoup pour finir le mois. Puis les malheurs du monde... Puis dans mon quartier c'est tout les 5 min. Qui que l'on soit les nerfs sont mis à rude épreuve. Je sais pas pourquoi je réponds quand même. Je lui dis que j'ai pas de monnaie. Il insiste. Il veut m'accompagner au distributeur. Ca me gonfle. Mais je sais toujours pas pourquoi là je me dis ok on y va. Il ne me ment pas. Il me parle du foyer où il est depuis deux ans, de ses vraies conditions de vie. On passe devant l'antenne CGT de ma rue, je lui dis que dès qu'il aura des papiers il pourra venir ici défendre ses droits dans le travail. Je lui propose ma douche mais il m'explique qu'il a de quoi se doucher. Je lui propose un repas mais il me dit que même si c'est dur il a de quoi manger. Il connait les association, en use, il est franc. Il faut quand même payer le foyer. Et puis vivre.
On négocie ce que je peux lui donner. On parle, on discute. On passe par ma rue. Je lui demande d'où il vient, du Congo. Les congolais ont l'avantage, comme pour d'autres d'autres pays Africains, lorsqu'ils sont ici de parler français. Ca facilite l'échange. Je lui demande par où il est passé pour venir ici. Espagne puis Italie. La mer. Mais sans passer par la Libye. On parle de la Libye, entre autres, de Khadafi, de l'accord entre la France l'Italie et la Libye. Il sait. On est de simples citoyens, on fait de la géopolitique. On parle du Congo. Il me parle de Kabila (junior), moi je dis ce que je sais depuis ma maigre culture. On parle de nos dirigeants, ensemble.
Je lui demande s'il a le passe sanitaire pour lui payer un café et faire de la monnaie, il ne sait même pas ce que c'est. Pourtant on vit dans le même monde, et il vit depuis 2 ans en France. Mais lui, ça lui passe au-dessus de la tête. Pour lui ce n'est ni une privation ni un droit. Ce n'est pas un sujet. Et je le comprends bien.

Finalement voilà, c'était cool de parler avec Richard. Ca m'a fait un bien fou de parler normalement avec quelqu'un de normal. D'humainement normal. Et puis quand je lui ai lâché 20 au lieu de 10, il m'a dit merci Mama. Merci "Mama". Droit au coeur. On m'a déjà appelée "soeur". Mais merci "Mama", on me l'avait jamais dit, et venant de Richard qui doit avoir à peu près le même âge que moi, c'est un acte de reconnaissance profond. Une reconnaissance égalitaire. Loin du patriarcat et des préceptes occidentaux.

Merci "papa" Richard. Son fils aîné a 24 ans. Il est au Congo. J'espère qu'un jour il pourra le rejoindre ici, à défaut d'avoir des politiques qui permettent à chacun et à tous de vivre là où est son/leur coeur.