Pour ceux qui la pratiquent, la chasse est tout à la fois un art, un passe-temps, un rituel, une communion, une célébration entre la nature et l'homme. Et pourquoi pas un saint-sacrement tant qu'on y est ? Ne serait-ce pas plutôt l'expression d'une lâcheté caractérisée, d'une sauvagerie quelque peu imbécile car comment dénommer autrement une activité dont l'essentiel consiste à dégommer un animal à l'aide d'un fusil avant de dépecer sa carcasse pour mieux la déguster, le tout dans un esprit de franche camaraderie quand on s'assoit autour de la table afin de conter le récit de ces exploits carnassiers ?
Franchement quelle gloire y-a-t-il à tirer de cette pratique qui consiste à se planquer dans un fourré, attendre l'apparition d'une bête, de bien l'ajuster dans la mire de son fusil avant de tirer une balle qui s'en ira la tuer nette d'un coup ?
Franchement quelle gloire y-a-t-il à tirer de cette pratique qui consiste à se planquer dans un fourré, attendre l'apparition d'une bête, de bien l'ajuster dans la mire de son fusil avant de tirer une balle qui s'en ira la tuer nette d'un coup ?
Où sont la bravoure, la vaillance, le courage quand il s'agit d'ôter la vie à un animal qui ne sait rien des viles attentions du chasseur et qui pour s'opposer à lui ne peut compter que sur la chance ou sur sa maladresse? Quelle fierté peut-il retirer, ce chasseur, de l'abattre ainsi lui qui n'a même pas eu la hardiesse d'aller le défier de ses mains nues, dans un combat dont il sait d'avance qu'il le perdrait tant la bête est bien plus féroce et maligne que lui? Pense-t-il vraiment que la bête est moins digne que lui de vivre, se sent-il si supérieur à elle qu'il lui faut l'abattre afin de ressentir la toute-puissance de son pouvoir quand à ses pieds, il contemple son pauvre cadavre, cette vie qu'il a arrachée juste pour satisfaire ses appétits vulgaires ?
Alors oui je sais: la beauté de l'aube, l'éveil de la nature, le petit froid matinal, les bandeaux de brume, le gris du ciel, le craquèlement des feuilles, le piaillement des oiseaux, les aboiements étranglés des chiens, la respiration de la terre humide, la splendeur d'un monde qui s'éveille quand dès potron-minet, une fois célébrées ses retrouvailles bien souvent alcoolisées avec ses frères d'armes, le chasseur s'en va traquer le gibier, dans cette communion avec la nature dont il se plaît à prétendre qu'elle serait comme un chant métaphysique où l'homme renouerait avec l'essence même de son être.
Je veux bien le croire; moi aussi j'aime à me promener quand la terre s'extirpe de la nuit et s'offre à l'aube naissante, sentir cette palpitation de la vie qui succède aux ténèbres, cette tendre poésie du matin quand la nature revient du domaine des morts pour mieux nous ensorceler et se laisse contempler dans le triomphe du jour apparu.
Mais pourquoi lui faut-il alors allier ce noble plaisir à celui de tuer, de répandre la mort, d'endeuiller cette forêt qu'il prétend pourtant aimer, d’abattre les uns après les autres, lors d'une symphonie sanglante, ces lièvres, ces perdrix, ces sangliers, ces animaux majestueux dont il s'en va pourfendre le cœur comme si ôter la vie pouvait être un jeu ou un passe-temps ?
Car ce n'est pas pour se nourrir qu'il le fait, non, regardez-le, il porte bien ses années, il ventripote même, alors qu'est-ce donc qui l'anime sinon cette appétence pour le sang, le meurtre, l'affliction, cet appel venu du tréfonds de ses tripes qui ne s'embarrasse d'aucune humanité pour achever l'existence d'animaux dont il a parfois le culot de se prétendre l'ami quand ce n'est pas le protecteur ? Ne trouve-t-il pas ce brave homme qu'il existe déjà assez de souffrance en ce bas-monde qu'il lui faille en répandre davantage juste pour contenter cette envie ludique et somme toute bien puérile de se servir d'un fusil ?
Ne comprend donc t-il pas qu'il ne peut exister de plaisir quand le sien passe par la mort d'un animal qui mérite tout autant que lui de vivre, de jouer, de gambader, de célébrer la nature dans tout ce qu'elle peut avoir de grandiose et de démesurée, dans cette même jouissance de l'existence qui rend la vie si précieuse et si unique ?
Au fond, le chasseur n'est pas vraiment un homme: un homme se repose sur son intelligence et ses sens pour jouir du monde et de la vie, lui a besoin d'un fusil pour se sentir vivant, il est ce qu'était l'homme avant que le lent et fastidieux travail de la civilisation ne l'extirpe de son bourbier: une bête, une vraie cette fois.
(Slate)
Alors oui je sais: la beauté de l'aube, l'éveil de la nature, le petit froid matinal, les bandeaux de brume, le gris du ciel, le craquèlement des feuilles, le piaillement des oiseaux, les aboiements étranglés des chiens, la respiration de la terre humide, la splendeur d'un monde qui s'éveille quand dès potron-minet, une fois célébrées ses retrouvailles bien souvent alcoolisées avec ses frères d'armes, le chasseur s'en va traquer le gibier, dans cette communion avec la nature dont il se plaît à prétendre qu'elle serait comme un chant métaphysique où l'homme renouerait avec l'essence même de son être.
Je veux bien le croire; moi aussi j'aime à me promener quand la terre s'extirpe de la nuit et s'offre à l'aube naissante, sentir cette palpitation de la vie qui succède aux ténèbres, cette tendre poésie du matin quand la nature revient du domaine des morts pour mieux nous ensorceler et se laisse contempler dans le triomphe du jour apparu.
Mais pourquoi lui faut-il alors allier ce noble plaisir à celui de tuer, de répandre la mort, d'endeuiller cette forêt qu'il prétend pourtant aimer, d’abattre les uns après les autres, lors d'une symphonie sanglante, ces lièvres, ces perdrix, ces sangliers, ces animaux majestueux dont il s'en va pourfendre le cœur comme si ôter la vie pouvait être un jeu ou un passe-temps ?
Car ce n'est pas pour se nourrir qu'il le fait, non, regardez-le, il porte bien ses années, il ventripote même, alors qu'est-ce donc qui l'anime sinon cette appétence pour le sang, le meurtre, l'affliction, cet appel venu du tréfonds de ses tripes qui ne s'embarrasse d'aucune humanité pour achever l'existence d'animaux dont il a parfois le culot de se prétendre l'ami quand ce n'est pas le protecteur ? Ne trouve-t-il pas ce brave homme qu'il existe déjà assez de souffrance en ce bas-monde qu'il lui faille en répandre davantage juste pour contenter cette envie ludique et somme toute bien puérile de se servir d'un fusil ?
Ne comprend donc t-il pas qu'il ne peut exister de plaisir quand le sien passe par la mort d'un animal qui mérite tout autant que lui de vivre, de jouer, de gambader, de célébrer la nature dans tout ce qu'elle peut avoir de grandiose et de démesurée, dans cette même jouissance de l'existence qui rend la vie si précieuse et si unique ?
Au fond, le chasseur n'est pas vraiment un homme: un homme se repose sur son intelligence et ses sens pour jouir du monde et de la vie, lui a besoin d'un fusil pour se sentir vivant, il est ce qu'était l'homme avant que le lent et fastidieux travail de la civilisation ne l'extirpe de son bourbier: une bête, une vraie cette fois.
(Slate)